Par Corinne Gallet

Extrait du livre 100 idées pour que tous les enfants sachent lire

En maternelle, il arrive souvent qu’un(e) élève apporte fièrement un livre de la maison. L’enseignant ne peut pas faire l’économie de considérer ce geste comme important, tout simplement car il l’est.

Mais… au moment de lire le livre, on s’aperçoit que le vocabulaire, voire même l’histoire est un peu compliquée et on va donc « liconter » (amalgame de lire/raconter). On ne veut pas décevoir mais il faut aussi capter son jeune public car la lecture du livre doit apporter du plaisir. Pour peu que le livre reste sur le bureau le soir, l’élève ayant apporté le livre demandera le lendemain une nouvelle lecture, et là… l’enseignant devra à nouveau « liconter ».

Pour les élèves fréquentant peu l’écrit, cette proposition pédagogique peut être nocive. En effet, lire, c’est bien oraliser un texte écrit, mais un texte écrit ne change pas de jour en jour. Il reste le même quelle que soit la personne qui le lit et quelle que soit le moment ou la saison. D’ailleurs les élèves à qui on lit des histoires chaque soir ne s’y trompent pas : un de leurs grands jeux est de verbaliser certains morceaux de phrases, ou de dire à l’avance les répliques de certains personnages car à force de les entendre, ils les ont intégrées.

C’est grâce à ces répétitions que les enfants accroissent leur vocabulaire et la syntaxe. À force d’entendre ces mêmes textes, ils s’approprient les formules. Pour les élèves qui ne vivent pas de tels moments chez eux l’enseignant doit chaque jour trouver un temps, surtout en maternelle, pour lire et relire des histoires courtes.

Les enseignants ont tout intérêt à veiller à être à chaque fois très explicites et à dire : Je vais lire l’histoire du « Petit chaperon rouge », je l’ai déjà lue et donc il y a des passages que vous allez reconnaitre ; ou bien : Je vais raconter l’histoire de… et donc mes yeux ne suivent pas un texte, il peut y avoir des différences avec hier (on peut même faire un « jeu » de différences entre deux façons de raconter la même histoire).

Pour les élèves qui ne fréquentent guère l’écrit à la maison, cette distinction est importante pour construire leur représentation de l’acte de lire. Certains enfants entrant au CP à qui on demande : « Comment fait-on pour lire ? » répondent : « Il faut être sage, bien écouter la maitresse » ou encore «… regarder les images et dire ce que l’on voit ». Derrière de telles réponses se cache une mauvaise interprétation de l’acte de lire.

Pour revenir à notre situation de départ, devant le « cadeau » de ce livre apporté de la maison, il vaut mieux dire : « Ce soir, je vais lire ce livre qui a l’air très intéressant afin de me préparer pour demain ». Et le lendemain on pourra dire : « Maxime nous a apporté un livre, je vais lire l’histoire de ce livre, ou plutôt je vais vous raconter l’histoire contenue dans ce livre car le texte est un peu compliqué pour vous maintenant ». Cela ne prend pas beaucoup de temps et clarifie la situation.

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