Par Dr Anne Gramond et Dr Géraldine Audemard

Extrait du livre 100 idées pour mieux gérer les problèmes avec les ados

Grâce aux techniques nouvelles d’imagerie cérébrale, nous pouvons désormais mieux connaître le développement et le fonctionnement du cerveau. En particulier, les études récentes ont permis de mettre en évidence que les adolescents n’utilisent pas leur cerveau de la même façon que les adultes pour gérer leurs émotions, leurs cognitions et leurs comportements, et nous comprenons maintenant mieux les particularités que l’on observe chez eux, et pourquoi, du fait d’une maturation cérébrale encore inachevée, l’adolescence constitue une période à risque.

En effet, cette maturation neuronale, qui ne s’achèvera que vers l’âge de 25 ans, ne se fait pas à la même vitesse dans les différentes zones cérébrales : notamment, la dernière de ces zones à achever son développement est le lobe frontal, partie du cerveau qui gère les fonctions de planification, de recherche de stratégies, d’anticipation, de contrôle du comportement et d’organisation. À 15 ans, le cerveau d’un adolescent n’a donc pas les mêmes capacités d’abstraction, d’organisation, de prise de décision qu’un cerveau d’adulte puisque la maturation du lobe frontal de son cerveau, siège de toutes ces compétences, n’est pas encore tout à fait achevée.

D’un autre côté, les régions sous-corticales du cerveau, qui gèrent notamment les émotions (le « cerveau émotionnel »), se développent plus vite que les régions frontales. C’est ce décalage dans le temps dans le développement de ces différentes zones cérébrales, et le déséquilibre qu’il induit qui peuvent conduire l’adolescent à prendre de mauvaises décisions, à adopter des comportements « immatures » et avoir des relations émotionnelles d’intensité disproportionnée. Et c’est également cela qui permet de rendre compte, au moins en partie, du déficit de motivation spontanée qu’on observe souvent chez lui. Il n’est donc pas étonnant qu’à ce stade de développement de son cerveau, il ait du mal à gérer ses émotions, ses comportements et son emploi du temps, et nous comprenons mieux qu’il ait du mal à se motiver et qu’il soit attiré par le danger : on pourrait comparer l’adolescent à un « bolide avec de mauvais freins et un mauvais conducteur ».

L’adolescence va être en effet une période souvent marquée par la recherche d’émotions fortes et de sensations nouvelles, ainsi que par un goût du risque, mais également par une instabilité émotionnelle. Les flots d’hormones qui se déversent dans son organisme font de l’adolescent un être hypersensible : un simple reproche, une critique banale ou une innocente moquerie sont capables de déclencher chez lui des émotions négatives intenses et disproportionnées qui peuvent s’exprimer par des comportements d’opposition, voire d’agressivité.

Tout fonctionne en effet comme si, chez lui, les émotions contrôlaient la raison, et non l’inverse.

L’agressivité de l’adolescent est en effet bien souvent la conséquence de son hyper émotivité. Malencontreusement, elle peut être interprétée à tort par les parents comme une manifestation de provocation, avec le risque, en réaction, d’y répondre avec aigreur. Cette incompréhension mutuelle se traduit chez l’ado par des sentiments d’injustice, de colère et des comportements inadéquats d’où s’ensuit une escalade dans la violence et l’incompréhension. Ces malentendus éloignent progressivement parents et adolescent.

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