Par Domitille Gras et Emmanuelle Ploix Maes

Extrait du livre 100 idées pour mieux comprendre ce qu’est l’intelligence

Le langage est une capacité cognitive spécifiquement humaine, que l’enfant apprend naturellement et sans effort. C’est un outil très créatif pour représenter la réalité : avec un stock lexical limité, nous pouvons traduire un nombre illimité d’idées grâce aux règles syntaxiques et phonologiques ! Le langage nous permet de communiquer avec autrui, d’interagir socialement. On peut distinguer le langage réceptif, qui est la capacité de comprendre, et le langage expressif qui est la capacité de produire.

Rapidement, les nourrissons comprennent de plus en plus de mots, avec une augmentation très rapide du nombre de mots compris autour de un an. Ils savent vite que l’ordre des mots donne des informations importantes en termes de sens. Il existe un décalage entre la compréhension et la production/expression d’environ 4 à 5 mois : le bébé comprend beaucoup plus de mots qu’il ne peut en exprimer ! L’explosion lexicale a lieu entre 18 et 20 mois, l’association de mots vers 2 ans, et les phrases avec usage du « je » à 3 ans.

Pour une bonne mise en place du langage, les prérequis de la communication doivent être présents : qualité du regard, attention conjointe (partager un événement avec autrui en attirant son attention vers un objet), demandes non verbales, par exemple en montrant du doigt, imitation… On peut comparer l’importance de ces prérequis pour le langage aux étapes du développement moteur : pour apprendre à marcher, un petit enfant doit suivre différentes étapes de maturation en termes de tonus, postures, coordination, notamment tenir assis avant de se mettre debout…

Les compétences linguistiques poursuivent leur développement tout au long de la scolarité, avec une maturation vers l’âge de 10 ans, mais certains aspects complexes du langage se développent jusqu’à l’âge adulte.

Le langage réorganise la pensée. Le soliloque notamment (lecture à voix haute, murmures, auto-encouragements…) est important chez l’enfant pour planifier des tâches cognitives. Par la suite, l’enfant en a moins besoin, jusqu’à être remplacé chez  l’adulte par le langage intérieur. Mais le soliloque perdure plus longtemps chez les enfants ayant des difficultés d’apprentissage (notamment des troubles de l’attention).

Schématiquement, les voies cérébrales impliquées dans le langage concernent le cortex auditif, où le son est traité, puis l’aire de Wernicke dans le lobe temporal, où le son est analysé pour la compréhension, puis l’aire de Broca dans le cortex au niveau du lobe frontal, pour la production du langage. Il se produit dans notre cerveau une spécialisation hémisphérique pour le langage. Cette spécialisation qui se fait dans la prime enfance s’intensifie au fil du temps et est corrélée au bon fonc tionnement du langage. Elle est située dans l’hémisphère gauche chez 90 % des droitiers et chez 70 % des gauchers. Le langage implique de riches réseaux corticaux, avec des connexions bidirectionnelles.

La richesse des diverses intégrations que fait notre cerveau pour le langage peut être illustrée par le test suivant : si on montre à une personne une image d’une forme arrondie et une autre d’une forme avec des arêtes et des pointes, et qu’on lui demande « Laquelle est Kiki, laquelle est Bouba ? » , elle va statistiquement désigner la forme agressive comme étant Kiki et la forme arrondie Bouba ! (… du moins pour les générations de cerveaux plus influencées par la représentation des sons et des lettres que par les images véhiculées par la culture du moment, rappeurs musculeux et petits personnages tendres et enfantins pouvant alors inverser la réponse… !)

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