Par René Pry

Extrait du livre 100 idées pour accompagner un enfant avec autisme

On a l’habitude de dire que l’école est le lieu des apprentissages, en entendant généralement par-là la transmission de tous ces outils culturels qui débutent par l’alphabet, la lecture et l’écriture, les chiffres, le calcul et les mathématiques. On oublie généralement de dire deux choses. La première est que le cerveau de l’enfant « normal » n’est pas génétiquement programmé ni préparé en vue de cette « révolution culturelle », et qu’il n’y a pas de raison pour que celui des enfants avec TED le soit davantage. Mais l’appropriation de ces nouveaux outils cognitifs est longue et va nécessiter d’éliminer bon nombre d’automatismes. C’est une première source de difficultés pour l’enfant avec autisme. La seconde tient au fait que dans le préscolaire, espace où les enfants TED sont le plus souvent scolarisés, les apprentissages sont davantage centrés sur les aspects moteurs et sociaux.

Les apprentissages moteurs portent bien entendu sur la marche, la course, l’escalade. On a souvent écrit que l’enfant autiste ne
présentait pas de particularités dans ces domaines. Les données récentes montrent que c’est probablement plus compliqué pour beaucoup d’entre eux (on notera d’ailleurs que quelques-uns marchent sur la pointe des pieds). Quoi qu’il en soit, la marche et la course autonome sont généralement acquises entre 5 et 6 ans.

Ce qui veut dire que pendant les 5 années précédentes, l’enfant a passé son temps à expérimenter, à tomber en marchant, à marcher en tombant, à mettre en place des automatismes et des réglages de plus en plus fins. Pour la majorité des enfants, cet apprentissage n’a pas nécessité d’être guidé, mais il doit malgré tout être évalué et contrôlé chez l’enfant TED. Il en va tout autrement pour le développement des « praxies ». On entend par « praxie » toutes ces séquences gestuelles qui permettent la réalisation d’actes moteurs comme : découper, colorier, coller, ne pas déborder, remettre ses vêtements à la sortie des toilettes, etc., bref des activités dans lesquelles la majorité des enfants avec autisme présentent des difficultés. C’est là que le rôle du tuteur prend tout son sens, à la fois dans le repérage des difficultés et dans la mise en place d’aides techniques.

Enfin, les principaux problèmes portent sur les apprentissages sociaux (la communication sera traitée dans le chapitre 5). Tout
le monde a expérimenté l’anxiété des premières séparations en maternelle, avec ses crises de larmes déchirantes, la peur d’affronter les autres, ou les persécutions des petits « caïds » dans la cour de récréation. Mais que sait-on des perceptions et du ressenti des enfants avec autisme dans ces mêmes situations ? On sait maintenant que les comportements manifestés par ces enfants sont très différents de ceux des enfants typiques, mais cela ne nous renseigne en rien sur la façon dont ils interprètent ce contexte si déroutant et si nouveau. Il est pourtant légitime de se demander si les moyens dont ils disposent pour traiter les problèmes qui se posent à eux (Pourquoi les autres enfants courent-ils ? Pourquoi crient-ils ? Pourquoi faut-il chanter avec les autres ? Pourquoi dois-je attendre mon tour pour adresser la parole à la maitresse ?) leur permettent de résoudre spontanément et avec aisance ces mille problèmes quotidiens.

Mais, il n’y a pas de raison non plus de projeter nos angoisses et nos douleurs face à des situations qui sont probablement décodées et interprétées de façons différentes par ces enfants. Notre empathie naturelle nous amène à penser que nous comprenons spontanément les comportements de ces enfants, à ressentir ce qu’ils ressentent, et cela d’autant plus que l’on est plus proche d’eux. Méfions-nous, ce n’est peut-être pas toujours le cas !

 

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