Par Christophe CharpiotCédric Gueyraud et Fahima Melizi

Extrait du livre 100 idées pour faire classe autrement

On observe que de plus en plus de parents inscrivent leurs enfants dans des établissements en pleine campagne, voire en pleine forêt, où les activités créatives et manuelles sont privilégiées. Faire la classe en dehors de la classe devient pratique courante notamment en Europe du Nord, que ce soit simplement dans la cour de récréation, dans un champ, en forêt, ou même au bord d’une rivière. Ce genre d’établissement scolaire devient une tendance et pour cause, il présente beaucoup d’avantages.

Outre le fait d’étoffer le cadre quotidien des élèves, un environnement riche et divers permet à la curiosité des plus petits de s’éveiller. L’enfant qui voit devant lui s’ouvrir un monde de possibilités et un éventail d’univers différents sera plus libéré et surtout moins craintif devant des situations inexpérimentées.

Habituer l’enfant à se retrouver dans des contextes nouveaux peut l’aider à acquérir progressivement une vraie confiance en soi et à, de fait, réduire cette peur de l’inconnu trop souvent ressentie par certains, grandissant toujours dans un cadre identique, donc trop peu confrontés au monde réel.

Les apprentissages et leur vie quotidienne à l’école seraient guidés par la nature, ce qui les sensibiliserait inéluctablement à l’environnement, au réchauffement climatique et à tout autre sujet relié de près ou de loin à la nature, question plus que jamais d’actualité. Le respect de l’environnement est une des valeurs phares qui serait donc inculquée et qui permettrait à d’autres valeurs de trouver leur place. Ce mode de fonctionnement les sensibiliserait en effet non seulement aux valeurs reliées à la nature, mais aussi au respect dans un sens plus large comme le respect de l’humain, de l’autre et de ses opinions.

 Au-delà de cet aspect presque spirituel, la nature peut également prendre tout son sens lorsqu’elle est articulée à la dimension éducative1 . L’environnement est propice aux apprentissages et l’enfant aussi bien que l’adulte aura tout à y gagner. Tout support est matière à travailler : une feuille morte, un scarabée grimpant sur une branche, l’arrosage d’un jardin, du petit caillou au gros rocher. Tout autour de nous peut être mis à profit pour l’apprentissage. Les livres ne sont plus les seuls outils à disposition, tout comme les enseignants ne sont plus les seuls détenteurs de savoirs. Un cadre bucolique a beaucoup à nous offrir, à nous apprendre ; et enfermer les enfants entre quatre murs limite leur inspiration et ne leur permet pas de s’épanouir. Un des piliers de la pédagogie Freinet est d’ailleurs la créativité, stimulée par le contact avec la nature lors de  balades fréquentes avec ses élèves autour de l’école. Lui-même a puisé dans la créativité des dessins de sa fille, élevée à la campagne, pour que d’elle-même elle invente de petites histoires. Cette stratégie lui permit de développer ses capacités en lecture et en orthographe.

Dans une classe, le champ des possibles sera de fait plus restreint qu’à l’air libre où un simple petit bruit pourra faire émerger des idées, des sensations, des émotions : l’inspiration est omniprésente. Cette expérience sensorielle des enfants peut vite devenir un moteur d’apprentissages sur lequel l’enseignant s’appuie afin de les relier aux connaissances et compétences dictées par le programme scolaire. Il est donc important de tisser des liens émotionnels avec la nature et de prendre conscience qu’à travers elle, l’enseignement de toute discipline est possible et pas uniquement l’enseignement des sciences ou des mathématiques.

En substance, la nature est un lieu d’apprentissage motivant qui permet un bon développement cognitif. Certains enfants n’éprouvant plus l’envie de se rendre à l’école pourraient retrouver cette appétence, du fait notamment que le travail en classe ne serait peut-être plus vécu de la même façon par les élèves, particulièrement ceux en situation d’échec. En effet, il existe parfois des difficultés de gestion d’un élève en classe, et le fait de l’amener dehors lui permet de se révéler totalement à lui-même et aux autres, que ce soient ses pairs, ses parents, ses enseignants. Par ailleurs, il convient que l’enseignant dissocie bien les temps de récréation et d’amusement des temps de concentration, d’attention et d’apprentissage. 

Dans une école où il y a peu de place dédiée aux espaces verts, on peut recourir aux jardinières, à de petits carrés de permaculture, à des élevages d’insectes en extérieur. S’asseoir en cercle ou s’allonger dans une cour de récréation bétonnée, les yeux fermés et concentrés sur les bruits et odeurs environnants permet de développer les sens et de se faire une expérience sensorielle, certes différente de celle faite dans une prairie, mais permettant néanmoins d’acquérir des compétences et des savoir-faire.

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1. Rousseau, dans L’Émile, prendra ainsi la nature pour guide éducatif absolu. La nature est toujours bonne à ses yeux, à la différence de l’homme, mauvais, bien qu’améliorable.

Photo by Magda Ehlers from Pexels