Par Brigitte Mahillon et France Tillieu

Extrait du livre 100 idées pour enseigner la grammaire autrement

La phase de découverte

C’est la phase que nous développerons essentiellement dans les séances qui suivront. À chaque âge il y a mille découvertes à faire, bien avant d’utiliser la terminologie définitive. La tranche d’âge de 8 à 14 ans, période de toutes les libertés et des découvertes, nous paraît être LE moment très important et vraiment propice pour les manipulations. Avant de classer les mots, de leur donner une étiquette grammaticale savante, il faut donner l’occasion aux enfants de découper, mimer, dessiner, transformer, permuter, effacer, comparer. Ces manipulations vont faire émerger la plupart des notions et représentent un énorme gain de temps pour la suite. Les termes techniques, « officiels » seront amenés progressivement, en même temps que des périphrases plus concrètes telles « les mots qui indiquent la quantité », « qui indiquent le temps », « qui indiquent la qualité », « qui indiquent qu’il y en a un ou plusieurs », « les mots qui animent les noms », etc. Quand les enfants seront « mûrs » et que la nouvelle notion émergera de manière tout à fait naturelle, le terme grammatical officiel sera définitivement installé.

Ensuite, on établit un dialogue entre le « comment ça marche » et le « comment ça s’appelle », entre les manipulations et la terminologie, en observant que les espèces de mots ne sont pas séparées par des barrières infranchissables ! Les mots ne sont pas classés dans des bocaux hermétiquement fermés : il y a des va-et-vient. Les hésitations entre l’une ou l’autre classe amènent à réfléchir et ne doivent pas être escamotées, bien au contraire. Il faut travailler dans la complexité.

Par exemple : prenons le mot « grave » :

Hier a eu lieu une dispute très grave (adjectif) entre Jules et Zoé. / Le grave (nom commun) se lisait sur son visage. / Tu as vu ce film, il déchire grave (adverbe) !

Durant toutes les étapes de découverte, il faut multiplier les points de vue, ne pas cloisonner. Et surtout abolir le système questions / réponses, comme :

Il coupe quoi ? Les cheveux – Il est quoi ? Coiffeur – De qui ou de quoi parle-t-on dans la phrase « On m’a volé mon portefeuille » ? Les enfants répondront en toute logique : du portefeuille.

Ces questions / réponses incitent l’enfant à adopter un comportement automatique et machinal qui donne l’illusion de la compréhension, mais l’induisent très souvent en erreur.

La phase de synthèse

Élaboration de la règle, qui fait aussi apparaître les exceptions. Chaque séance de découverte est suivie d’une synthèse partielle. Une synthèse générale est organisée ultérieurement, quand le sujet a été observé sous un maximum d’angles différents.

La phase d’entraînement

Cette phase est essentielle, elle prend beaucoup de temps, demande des séances régulières sous diverses formes. Elle ne peut être négligée, sans quoi tout le bénéfice des phases de découverte et de synthèse bien menées peut être réduit à néant ! On peut découper cette phase d’entraînement en plusieurs étapes :

  • systématisation : activités d’entraînement variées ;
  • appropriation : mémoriser les règles ;
  • entretien : faire des gammes d’exercices en montant, en descendant, dans tous les sens. Proposer régulièrement des « piqûres de rappel ».

La terminologie

Pour favoriser une terminologie comprise, et éviter une terminologie « perroquet », il faut donner du sens à cette terminologie, par exemple en recherchant la racine et l’origine du mot ou du préfixe. Quelques exemples : VERBE vient du latin verbum qui veut dire mot, parole, ATTRIBUT veut dire qui est propre à, etc.

Ne pas mettre trop vite des étiquettes, chercher d’abord le rôle du mot observé dans la phrase afin de faire comprendre que les mots peuvent changer de sens ou de nature, selon le contexte.

Évoquer de temps en temps l’histoire de la langue, montrer qu’elle est en constante évolution, la comparer avec d’autres langues.

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