Par Marie-Lou Bernard, Henri Berquin et Pierre Palenciano.

Extrait du livre 100 idées pour l’école maternelle

Puisque l’enfant est là pour apprendre le métier d’écolier et que le jeu est le principal vecteur d’apprentissage, pourquoi ne pas jouer à l’écolier ?

En classe, cela peut prendre plusieurs formes, par exemple lorsqu’un jeu aboutit à un résultat tangible. Nous avons joué avec l’enseignant à poser des cailloux sur un papier, à les changer de place, à choisir une disposition qui nous plaît et l’enseignant a proposé que l’on conserve cette disposition, en collant les cailloux sur le papier. Plus tard, on pourra découvrir des effets intéressants, en alignant les cailloux : on peut se mettre à deux et poser un caillou chacun son tour, en variant les couleurs. On peut dessiner des traits autour des cailloux et en les entourant, former des champs, qui se transformeront en des sortes de colonnes ou de rangées. On voit comment on se dirige petit à petit vers le fameux « tableau à double entrée », mais sans imposer celui-ci comme une forme a priori.

En compliquant peu à peu la règle, on affine sa pensée et on construit des schémas spatiaux dans lesquels on va organiser d’autres contenus. Le tableau à double entrée doit rester le plus longtemps possible une table de jeu ; il deviendra un jour un échiquier et on jouera à y poser des pions selon certaines règles, ce qui est autrement riche et intéressant que d’y placer des étiquettes figurant trois canards ou deux lapins. Si on est plus ambitieux, on fera évoluer le dit tableau vers un système à trois dimensions : on construira un garage à cailloux ou à toute autre classe d’objets…

À l’inverse, on peut d’un comportement souhaitable pour le travail (comme le fait de s’asseoir pour écouter une histoire) faire un jeu qui n’aura pas pour but d’aboutir à un résultat, mais de jouer avec le dispositif (comme lorsqu’on dit qu’« il y a du jeu »  dans un mécanisme). On va s’asseoir, se lever, prendre la place d’un autre en réagissant à des signaux sonores, s’appeler pour échanger les places assises, s’appeler du regard…

Et puis, faisons un sort particulier à tous les jeux possibles mimant des activités sociales apparentées au travail : jouer à l’infirmière, à la marchande, au garagiste… sont d’excellents moyens de s’approprier des représentations du travail et de ses significations.

Mais soyons clairs : en jouant « à la maîtresse », je n’apprends pas le métier d’enseignant, j’apprends à improviser sur des représentations que je me fais. C’est sur ces improvisations que l’adulte va travailler, en aidant les enfants à les enrichir, à introduire des variantes, à réfléchir aussi sur ce qui est vraisemblable ou improbable ou tout simplement drôle.