Par le Dr Alain Pouhet

Extrait du livre Questions sur les Dys- Des réponses

Les dys- représenteraient-ils réellement une mode ? Le terme mode sous-entend une position dominante, qui surplombe, qui domine tout autour ; qui domine les autres, exerce une influence prépondérante (source : www.larousse.fr), et ce sans justification particulière.

Certes, les vocables en dys- sont aujourd’hui omniprésents lorsqu’on aborde les origines possibles des troubles d’apprentissages, mais revenons 20 ans en arrière ! À cette époque, les enfants en délicatesse avec l’école étaient adressés pour la grande majorité d’entre eux à des professionnels libéraux ou des institutions (psychologue, psychiatre, CMP, CMPP…) dont les références conceptuelles les conduisaient à interpréter les difficultés exclusivement sous l’angle psychodynamique.

Les tests psychométriques étaient tous « interprétés » en référence à la psychanalyse. Ainsi était systématiquement mis en avant, par exemple, le non-désir d’apprendre. On espérait, on favorisait et on attendait le « déclic », le « déblocage », qui permettrait alors à l’enfant d’entrer dans les apprentissages. Dans cette approche, à aucun moment, n’étaient interrogées les fonctions cognitives qui permettent (elles aussi) d’entrer – ou pas – dans les apprentissages.

L’enfant dys- en souffrance, parce qu’en échec, « réparé » le mercredi après-midi (on travaillait l’estime de soi, la confiance en soi, la place de l’enfant dans sa famille, dans la fratrie…) retrouvait alors sa classe le jeudi matin dans les mêmes conditions délétères pour les apprentissages. Aucun lien n’était établi entre d’éventuelles pannes cognitives et les défaillances scolaires, aucune préconisation n’était proposée et encore moins discutée avec les enseignants pour favoriser les apprentissages.

Finalement, une pensée unique prédominait simplement parce le message neuropsychologique (alors en cours de formalisation) peinait à se faire une place. Aujourd’hui, ce message ne représente qu’une autre lecture des mêmes symptômes scolaires.

Il n’est, et ne doit rester, que cela. Interroger d’abord
les ressources cognitives des élèves s’impose en 2017
comme une démarche scientifique validée par les preuves,
ce qui n’exclut aucunement d’associer à cette démarche
d’évaluation cognitive un questionnement pertinent sur le
développement psychique et psychodynamique de l’enfant
dans son environnement et sur le rôle joué par le contexte.
Les causes des troubles d’apprentissages sont plurielles et
certains enfants relèvent d’un enchevêtrement complexe et
singulier de causes variées. La compréhension des élèves en
grave délicatesse avec les apprentissages a tout à gagner de la
pluralité des approches.
Passer du tout « psychodynamique » au tout « neurologique » serait une erreur très dommageable pour ceux dont la problématique dys- n’est pas avérée (erreur de diagnostic) ou non prioritaire en termes d’accompagnement, d’aides, de prise en charge…

En définitive, les dys- ne sont pas une mode. En 2017, s’interroger sur « un éventuel dys- » représente plutôt une exigence éthique lorsqu’on évalue un élève présentant des troubles d’apprentissages