de Jacques Joguet

Extrait du livre L’éducation inclusive

L’école doit de plus en plus faire face à des élèves qui présentent une grande hétérogénéité de compétences et beaucoup d’enseignants sont démunis pour prendre en compte cette réalité et y apporter les réponses attendues.

Dans de nombreuses classes, l’apprentissage fonctionne pour un certain nombre d’élèves alors que d’autres peuvent être assez vite marginalisés, ou pire exclus du système. L’exclusion peut être décidée par l’institution, malgré certaines obligations à respecter 1  ou par le jeune qui s’exclut de lui-même. Il faut ajouter à ces situations les « exclus de l’intérieur 2  », c’est à-dire le grand nombre d’élèves qui demeurent physiquement au sein de l’institution sans que celle-ci réponde à leurs besoins. Comme il y a des « exclus de l’intérieur », il faut également nommer ceux que j’appelle les « exclus de l’extérieur ». Ce sont tous ces jeunes qui, au nom de leur altérité, n’ont pas la possibilité de franchir les portes d’un établissement scolaire, ce qui contredit totalement la loi du 11 février 2005 3 , pour laquelle la scolarisation de tous les enfants, quel que soit leur handicap, est un droit fondamental.

Cette réalité totalement inacceptable et insupportable met en exergue le dysfonctionnement de l’école. Même si des situations personnelles et familiales difficiles, donc extra scolaires, peuvent concourir au « décrochage », il n’en demeure pas moins que le fonctionnement de l’enseignement porte une énorme responsabilité, ce qui accrédite la justesse des propos de Gilbert Longhi 4  quand il écrit :

et si le décrochage scolaire était la « maladie nosocomiale » de l’école ?

Chaque nouvelle année voit donc arriver un contingent de jeunes en déshérence qui, sans reconnaissance scolaire attestée et en proie à beaucoup de frustration, doivent essayer de s’intégrer dans notre société. Fort heureusement, certains d’entre eux empruntent des chemins de traverse en dehors des cursus scolaires traditionnels ou des passerelles aménagées (école de la deuxième chance, associations diverses, etc.) pour enfin accéder à la réussite et réaliser un projet de vie conforme à leurs souhaits.

Pour tous les autres, s’abriter, se nourrir et être reconnus sont certes des priorités, mais les opportunités pour y parvenir sont de plus en plus restreintes. C’est ainsi que nombre de ces jeunes, tellement fragilisés, et souvent après un parcours délinquant, peuvent devenir des proies toutes désignées pour épouser des causes peu honorables, voire accomplir des actes délictueux gravissimes dans l’espoir d’une reconnaissance totalement illusoire que ni leur entourage ni l’école n’ont été capables de leur donner.

1. Accord de l’Inspecteur pour le primaire, du recteur pour le collège, continuité des apprentissages à assurer donc inscription dans autre établissement ou cours par correspondance à envisager, circulaire n° 2014-059 du 27-5-2014.

2. Bourdieu et Patrick Champagne, « Les exclus de l’intérieur », Actes de la recherche en sciences sociales 91, n° 1 (1992) : 71-75, doi:10.3406/arss.1992.3008.

3. « Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » (s. d.).

4. Gilbert Longhi et Nathalie Guibert, Décrocheurs d’école. Redonner l’envie d’apprendre aux adolescents qui craquent, éditions de La Martinière, 2003.

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