Par Lauriane Barreau-Drouin et Lucie Briatte

Extrait du livre Troubles alimentaires pédiatriques

Plusieurs termes qualifient les difficultés alimentaires que l’on peut rencontrer à tout âge de la vie, même si ce sont chez les enfants qu’elles sont les plus décrites : troubles alimentaires pédiatriques, troubles de l’oralité alimentaire, syndrome de dysoralité sensorielle pour certains professionnels1 ou encore « feeding disorder » et « picky eaters » en anglais. On estime que ces troubles concernent environ 25 % des enfants tout-venant2. 

Qu’est-ce qu’un trouble alimentaire pédiatrique (TAP)? 

La récente définition du « trouble alimentaire pédiatrique » est la seule qui fasse actuellement consensus dans la communauté scientifique. Elle a l’avantage de s’attacher non seulement à ce qui caractérise ces difficultés, mais aussi aux conséquences de celles-ci dans la vie de tous les jours. Nous avons donc retenu dans cet ouvrage l’expression « trouble alimentaire pédiatrique », mais maintenu celle de « trouble de l’oralité alimentaire » pour évoquer les mêmes signes de difficultés alimentaires chez l’adulte et la personne âgée. 

Le trouble alimentaire pédiatrique (équivalent de l’anglais « pediatric feeding disorder ») est une « altération de l’absorption orale alimentaire, qui n’est pas appropriée à l’âge et qui est associée à des problèmes médicaux, nutritionnels, des compétences alimentaires et/ou à un dysfonctionnement psychosocial » 3. 

Ce type de trouble peut être présent dès la naissance. En l’absence de malformation ou de syndrome, c’est en général au cours de la première année de vie qu’il survient, fréquemment au moment de la diversification alimentaire ou du passage aux morceaux. 

Le signe le plus caractéristique de ces difficultés est une sélectivité alimentaire fondée par exemple sur la texture, la température ou la couleur. 

L’enfant choisit de manger certains aliments selon « ses » critères personnels et rejette les autres aliments. 

Le passage aux morceaux s’avère souvent problématique, l’enfant préférant l’alimentation mixée. 

Parfois, ce sont les doubles textures qui sont refusées comme des pâtes (texture solide) mélangées à une sauce tomate (texture semi-liquide). 

Chez certains enfants, les difficultés apparaissent une fois que celui-ci arrête de manger des petits pots industriels qui sont des purées lisses et homogènes pour passer à une alimentation « faite maison ». 

En cas de forçage alimentaire, un réflexe nauséeux est alors souvent constaté : l’enfant peut avoir des haut-le-cœur, des régurgitations, voire être pris d’un vomissement

Enfin, la difficulté d’alimentation est par ailleurs durable. Elle doit en effet se manifester au moins quinze jours pour parler de trouble. 

Quelle est la cause du trouble alimentaire pédiatrique? 

Les troubles alimentaires pédiatriques présentent des formes variées et peuvent être liés à des causes très différentes. Chez de nombreux enfants, il est possible de retrouver un dysfonctionnement sensoriel (comme une hyperréactivité ou une hyporéactivité). 

D’autres raisons expliquent également des troubles alimentaires pédiatriques, comme une cause motrice : la succion est parfois difficile parce que des muscles sont insuffisamment développés ou mal coordonnés entre eux. 

L’origine d’un trouble alimentaire pédiatrique peut aussi être organique, en cas de malformation d’un organe de la sphère bucco-faciale ou de l’œsophage, par exemple. 

Certains spécialistes évoquent par ailleurs des difficultés d’ordre cognitif : les représentations de l’alimentation sont en effet profondément modifiées si les expériences négatives concernant la prise alimentaire se répètent. À force de vivre des repas « compliqués », l’enfant va avoir tendance à redouter ce moment. 

De nombreux enfants sont plus susceptibles de rencontrer un problème pour se nourrir : les enfants nés prématurément (plus la prématurité est importante, plus le risque de trouble alimentaire pédiatrique l’est également), les enfants présentant un trouble du spectre autistique, une fente vélo-palatine encore une paralysie cérébrale ainsi que les enfants en situation de polyhandicap

Quels troubles peuvent être assimilés à tort à un trouble alimentaire pédiatrique? 

Le trouble alimentaire pédiatrique est distinct de la néophobie alimentaire, qui est le refus de manger des aliments nouveaux. Cette réaction fréquente et passagère chez l’enfant dès l’âge de deux ans ne devient pathologique que lorsqu’elle persiste. 

Même s’il y est souvent associé, le trouble alimentaire pédiatrique ne doit pas être confondu avec le trouble de la déglutition. La fausse-route (le fait d’avaler de travers) est un trouble de la déglutition. Alors qu’un trouble de l’oralité va entraîner, par exemple, un haut-le-cœur. 

Il faut enfin le différencier du trouble du comportement alimentaire, comme la boulimie ou l’anorexie mentale, où les difficultés alimentaires sont associées à une obsession relative à la prise de poids, ainsi qu’à des troubles de l’image du corps. 

Quelle est la gêne occasionnée par un trouble alimentaire pédiatrique ? 

Un enfant présentant un trouble alimentaire pédiatrique va rencontrer des difficultés au niveau de la prise alimentaire, pouvant aller d’une simple gêne à un refus complet de s’alimenter, ce qui nécessite alors la mise en place d’une sonde. De plus, les conséquences d’un trouble alimentaire pédiatrique sont larges, avec éventuellement des difficultés sur le plan social et sur le plan relationnel

En bref

• Des difficultés peuvent apparaître au niveau de l’oralité alimentaire à tous les âges de la vie : du nourrisson jusqu’à la personne âgée.
• Le terme de « trouble alimentaire pédiatrique » (TAP) retenu pour cet ouvrage est le seul faisant consensus dans la littérature scientifique à ce jour.
• La définition du trouble alimentaire pédiatrique comprend une description des signes de ce trouble, mais aussi des conséquences et de la gêne qu’il occasionne dans la vie quotidienne. 

• Pour évoquer les difficultés chez l’adulte et chez la personne âgée, l’expression de « trouble de l’oralité alimentaire » lui reste toutefois préférée. 

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1. Notamment Catherine Senez (orthophoniste).
2. Selon R. Manikam (2000).
3. Traduction de F. Guillon et A. Demeillers, d’après l’article de Goday et coll. (2019). 

Photo de William Fortunato