Par Marie Costa

Extrait du livre 100 idées pour éviter les punitions

« On n’a pas toujours ce que l’on veut et on ne veut pas toujours ce que l’on a. »

Cheick Camara

Un marshmallow… ou deux ?

Le professeur Walter Mischel1 a mesuré scientifiquement la capacité de tolérance à la frustration avec des enfants de 4 ans ! Il place un marshmallow devant l’enfant, puis une petite cloche. Il lui dit alors qu’il doit sortir quinze minutes et que s’il ne mange pas le marshmallow pendant son absence, il en aura un de plus. En revanche, s’il ne peut pas résister, il lui suffira de sonner la cloche, quelqu’un viendra alors lui donner l’autorisation de manger celui qu’il a devant lui. Mais, dans ce cas, il n’aura qu’un seul marshmallow. 

Les enfants sont filmés pendant toute l’expérience. Certains craquent tout de suite tandis que d’autres, non sans hésitation, parviennent à remporter le deuxième marshmallow. Le professeur a ensuite suivi les enfants pendant leurs trente premières années !

Voici ses conclusions : les enfants qui avaient réussi à patienter pour avoir un deuxième marshmallow avaient plus d’amis, s’exprimaient mieux, étaient plus résistants au stress, et avaient de meilleurs résultats scolaires. Ils réussissaient également mieux leurs examens et obtenaient de meilleurs emplois. Il a même constaté qu’ils présentaient moins de problèmes liés à l’alcool ou la drogue.

“Delay of gratification in children” de W. Mischel, Y. Shoda et M. M. Rodriguez, in Science, 1989 ; 244 : 933-8.

Il n’est pas facile pour le parent d’endosser le mauvais rôle du parent « frustrateur » !

Et pourtant, l’apprentissage de la frustration est essentiel dans la construction de l’enfant. Le but n’est pas de « frustrer pour frustrer », mais d’accompagner l’enfant à surmonter cette frustration. L’enfant, comme l’adolescent, peut donc comprendre la frustration à condition qu’elle soit éducative et non répressive. Dans sa socialisation, à l’école par exemple, l’enfant va être confronté aux autres, mais cela va aussi lui permettre de mieux gérer sa vie future et de moins souffrir quand il vivra de plus grandes insatisfactions.

La frustration vient de la découverte de ses propres limites, de la confrontation aux autres et aux règles imposées par la vie sociale. Elle est inévitable et incontournable dans la découverte de soi, des autres, du monde et de son fonctionnement.

« Je veux un bonbon ! »

Il hurle devant les caisses du magasin pour avoir un paquet de sucettes, il veut le jouet que son frère a dans les mains, il refuse de se déconnecter des écrans, il aimerait sortir avec ses copains alors que vous venez de lui rappeler de faire ses devoirs… autant d’insatisfactions possibles que le parent devra gérer.

Comment anticiper les crises de frustration chez l’enfant ?

1. Anticipez les situations problématiques : vous savez qu’il existe des lieux ou des situations où il est très difficile pour votre enfant de résister à la tentation. Prenez le temps, par exemple, de lui expliquer que vous n’achèterez pas de bonbons avant même de rentrer dans la boutique. Assurez-vous qu’il a bien compris : « Que vais-je te répondre si tu veux un bonbon ? »

2. Rêver pour résister à la tentation : votre enfant regarde la vitrine du magasin et veut absolument la voiture rouge… Vous pouvez échanger avec lui : « Tu préfères la voiture rouge ou la bleue ? Penses-tu qu’elle roule vite ? » En vous appuyant sur l’imagination et le rêve, l’enfant partage un bon moment avec vous. Ne pas lui acheter tout de suite la voiture rouge, mais avoir parlé de son envie va lui permettre de rentrer à la maison en rêvant et en patientant.

Voici 3 clés pour gérer les crises de frustration.

1. Ne pas se soucier du regard extérieur : ceci est plus facile à dire qu’à faire… mais l’enfant comprend rapidement votre gêne lorsqu’il y a des témoins.

2. Prendre sa demande au sérieux : la frustration déclenche souvent une colère réelle. L’ignorer ou la banaliser n’aide pas forcément l’enfant à se calmer.

3. Faire preuve d’empathie : la colère est une émotion qui s’apaise lorsqu’elle est comprise et accompagnée. Marshall B. Rosenberg2 a été le pionnier en matière de communication bienveillante et empathique. Il s’agit d’observer, d’écouter, de traduire et de reformuler les sentiments ou les besoins que l’on perçoit chez l’autre. « Tu aimerais avoir une glace au chocolat, c’est tentant de passer devant le glacier », « Il me semble que c’est difficile pour toi d’attendre ton anniversaire pour avoir ce beau camion bleu ». En verbalisant seulement l’émotion, le souhait, la frustration de l’enfant, le parent peut ramener le calme.

Dépasser la frustration est une capacité qui permet aux enfants de poursuivre leurs rêves tout en apprenant la patience et la persévérance.

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  1. Mischel, W. (2015). Le test du marshmallow. Paris : JC Lattès éditions.

2. Rosenberg, M. B. (2009). Clés pour un monde meilleur, communication non violente et changement social. Saint-Julien-en-Genevoix : Jouvence.

Photo by Lucas Pezeta from Pexels