Par Christophe CharpiotCédric Gueyraud et Fahima Melizi

Extrait de notre nouveauté 100 idées pour faire classe autrement

L’école de La Neuville-du-Bosc, plus communément appelée « La Neuville », est une petite école nouvelle créée au milieu des années 1970, dans la campagne normande. Son histoire épouse l’histoire de jeunes gens motivés et désireux de créer un lieu éducatif nouveau tranchant avec le fonctionnement pédagogique classique uniformisant. À l’initiative du projet, il y a entre autres une jeune femme ayant pensé devenir un temps juge des enfants, Fabienne d’Ortoli, et un cinéaste amateur, Michel Amram. Deux figures tutélaires les soutiennent dans leur projet et leur confère une caution morale d’importance : Fernand Oury, l’instituteurpsychanalyste, et Françoise Dolto qui a déjà acquis une certaine notoriété avec ses émissions radiophoniques sur le thème de l’éducation et qui enverra par la suite à La Neuville quelques enfants qu’elle suit en analyse, convaincue du bienfait de la campagne et des effets bénéfiques de la prise en considération de la personne de l’enfant dans toutes ses dimensions, et pas seulement intellectuelles. Dans le récit des créateurs de l’école1, elle livre d’ailleurs cette anecdote étonnante d’un enfant illettré étiqueté « irrécupérable » suite au test de Binet-Simon2  qu’on lui avait fait passer, et qui en trois ans avait réussi à rattraper son retard grâce à la fréquentation d’une classe unique rurale où le maître l’avait accueilli à bras ouverts. À La Neuville, ce qui attire l’attention est que tout est prétexte à pédagogie, découverte et mise en mots, que ce soient une visite d’usine, une corvée de bois, le marché, les déplacements dans la capitale avec les enfants dans des librairies spécialisées pour choisir des livres…

L’école, en chantier d’organisation perpétuel, se heurtera, comme toute entreprise novatrice de ce genre, à des difficultés de financement, de recrutement, mais aura permis l’espace de quelques années de concrétiser une sorte d’idéal pédagogique soulignant ainsi le rôle déterminant joué par le désir en matière d’éducation et sa nécessaire reconnaissance.

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1. D’Ortoli, F. et Amram, M. (1990). L’école avec Françoise Dolto. Hatier, p. 27.

2. Le Binet-Simon est un test psychométrique, ancêtre des tests de QI.