Par le Dr Michèle Mazeau

Extrait de notre nouveauté Apprendre à compter : pas si simple !

«  Les mathématiques sont un ensemble de connaissances abstraites résultant de raisonnements logiques appliqués à des objets divers tels que les ensembles mathématiques, les nombres, les formes, les structures, les transformations,etc. ; ainsi qu’aux relations et opérations mathématiques qui existent entre ces objets. Les mathématiques se distinguent des autres sciences par un rapport particulier au réel, car l’observation et l’expérience ne portent pas sur des objets physiques ; les mathématiques sont de nature entièrement intellectuelle . » Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Math%C3%A9matiques

Le nombre : un concept abstrait

Le nombre est une idée abstraite, qui n’est ni naturelle ni évidente. Lorsque l’enfant entend les mots : biberon, papa ou lapin, il voit de quoi l’on parle (on le tient, on le manipule, on le désigne du regard ou du doigt, etc.), il peut faire correspondre sa perception (sensorielle ou sensori-motrice) et le mot/concept. De même, si l’on dit « rouge » ou « gros », il peut faire le lien entre ce mot et le point commun à la variété des items ainsi nommés : son tee-shirt rouge, la voiture des pompiers, le crayon de couleur, ou le gros camion, le gros arbre, le gros éléphant. Ces mots renvoient à un référent concret, perceptif ou moteur, que l’enfant peut apparier au mot entendu.

Mais lorsqu’on dit «  trois », cela peut s’appliquer à un groupe d’ éléphants au zoo, à des cuill.r.es de confiture, à des grues sur un chantier, à des sauts sur la pelouse, à des invités autour de la table, à des notes de musique… ou à un bobo qui est qualifié de «  trois fois rien » !

C’est un terme abstrait, dont il est difficile d’extraire le référent, c’est un concept qui ne réfère ni à un objet (que l’on peut voir, entendre, toucher, manipuler en tant que tel) ni à une action.

Donc, oui, des capacités en raisonnement logique et abstraction (« l’intelligence ») sont indispensables pour acquérir la notion de nombre et comprendre la signification des calculs à opérer selon les circonstances.

Cependant, si «  l’intelligence » est nécessaire, c’est pourtant loin d’être suffisant. Sont également absolument indispensables l’intégrité initiale puis le développement typique (fig. A) :

– d’une « petite boîte à outils cérébrale » dédiée au nombre – appelée « le sens du nombre » –, dont l’évolution nous a dotés (comme de nombreux autres animaux !) et qui est donc génétiquement déterminée ;

– de pratiquement toutes les fonctions intellectuelles ; ces dernières sont engagées à divers degrés dans différents aspects de l’apprentissage du nombre et du calcul.

Seul le module «  sens du nombre » est spécifiquement dédié au traitement des quantités et du nombre. Le raisonnement, ainsi que toutes les autres fonctions cognitives engagées dans l’acquisition de la notion de nombre (langage, mémoires, fonctions visuo-spatiales, attention et fonctions exécutives) sont également impliquées – et souvent au premier chef – dans des apprentissages autres, sans lien avec la numération et le calcul.

Un développement atypique, une défaillance, un déficit, un dysfonctionnement de n’importe lequel de ces éléments peut perturber ce long apprentissage. Il y a donc mille façons d’être en mis en difficulté par telle ou telle étape de l’apprentissage.

Identifier quel est l’élément qui, pour chaque enfant, fait obstacle à ses progrès est fondamental pour l’aider efficacement.

Dans le livre Apprendre à compter : pas si simple !, nous allons donc nous attacher d’abord :

– à élucider les liens entre raisonnement et num.ration/calculs

puis :

– à retracer chaque phase de cet enseignement,

–  à décrire les compétences requises par chaque étape,

– et à mettre en évidence les difficultés ou obstacles que peuvent rencontrer les enfants au fil de l’apprentissage. Enfin, pour chaque type de difficulté, nous exposerons les propositions d’aide les plus pertinentes.