Par Mehdi Liratni

Extrait du livre 100 idées pour accompagner la transidentité chez l’enfant et l’adolescent

Simone de Beauvoir disait : « On ne naît pas femme, on le devient. » La différence des « rôles » de genre entre hommes et femmes n’est pas inhérente aux différences biologiques, loin de là… Nous désignons alors cette éducation comme « genrée » : nous éduquons et interagissons avec les bébés de sexe féminin et les bébés de sexe masculin de manière différente, puis nous valorisons les enfants quand ils respectent bien ces codes genrés. En conséquence, les enfants renforcent, perpétuent et généralisent, entre eux, ces rôles dès le plus jeune âge dans leurs interactions sociales. L’éducation genrée est perpétuée d’une génération à une autre par la culture, les traditions, les religions, les parents et la famille élargie, les enseignants, les pairs/amis/camarades de classe, mais aussi par la littérature jeunesse et les dessins animés à succès qui véhiculent presque exclusivement des « stéréotypes » de genre. De nombreuses recherches (Fine, 2010, 2017) mettent en évidence que l’éducation genrée apparaît très précocement. Il est démontré, par exemple, que les adultes parlent différemment aux bébés en fonction de leur sexe : on parle avec une voix plus aiguë et une gestuelle plus douce aux bébés de sexe féminin et on interagit de manière plus « bagarreuse » avec un bébé de sexe masculin à qui l’on parle avec une voix plus grave. Dès les premiers mois de vie, nous « baignons » également les enfants dans des codes de couleurs « genrés » (rose pour les bébés de sexe féminin, bleu pour les bébés de sexe masculin) pour leurs habits, leurs jouets… Le genre est un critère identitaire central et l’un des premiers auquel l’enfant est assigné : sans même connaître ses goûts et sa personnalité, on lui attribue des vêtements et des codes correspondant à un rôle qu’il n’a pas choisi délibérément.

Devant cette aberration, de nombreuses cultures, notamment en Scandinavie, proposent une éducation non genrée, au sein même de l’école publique. Un enfant n’est pas interpellé en fonction de son genre, mais toujours en fonction de son prénom. On ne sépare jamais les enfants en fonction de leur sexe biologique et on ne labellise jamais des activités, des couleurs, ou des attitudes en fonction d’un sexe biologique et d’un genre. Ce genre d’éducation ouvre grandement le champ des possibles. Paradoxalement, dans les pays les plus progressistes sur le sujet (rigueur sur la parité homme/femme, éducation non genrée…), les métiers demeurent extrêmement genrés, voire plus que dans d’autres pays (Stoet & Geary, 2018) : en Norvège par exemple, les métiers de l’ingénierie sont extrêmement masculinisés, et les métiers de santé très féminisés. Peut-être sous-estimons-nous alors les clichés et stéréotypes véhiculés par les médias de jeunesse (voir idée 9) et les parents qui, ensemble, pèsent davantage que l’éducation non genrée donnée à l’école. Inversement, l’Albanie ou l’Algérie, très culturellement ancrées dans les rôles de genre sur certains aspects, ont un taux plus élevé de femmes diplômées en Sciences (mathématiques, ingénierie, technologies) : dans ces pays aux conditions socio-économiques sensibles, cette inclinaison « féminine » serait expliquée par le fait que les métiers relatifs à la science donneraient accès à de bien meilleurs salaires. Le contexte parfois précaire de ces pays a alors encouragé les mentalités à évoluer pour « laisser » les femmes investir ces domaines quand elles le pouvaient.