Par René Pry
Extrait de l’ouvrage 100 idées pour accompagner un enfant avec autisme.
Si un acte de communication nécessite d’être au moins deux, il n’en reste pas moins que chaque sujet doit pouvoir disposer d’outils, tant pour transmettre des messages que pour interpréter ceux du partenaire. Dans le développement de l’humain, les premiers outils mobilisent le corps et la posture, la contagion émotionnelle, l’imitation immédiate de gestes ou de bruits, la production de sons ou de babillage, l’échange de regards, l’utilisation de gestes dits conventionnels (hochement de tête pour dire oui ou non, dire au revoir ou coucou avec la main, etc.).
Nous ne savons encore que peu de choses sur la maitrise de ces premiers outils chez le bébé à devenir autistique. Certaines mamans identifient très précocement des difficultés sur l’accroche du regard (« Il ne m’a jamais regardé », ou sur la synchronie posturale (« Bébé trop mou ou trop cabré »). Il est possible en effet que chez certains bébés les défauts de communication puissent être repérés très tôt.
Chez d’autres par contre, les films familiaux montrent l’utilisation des gestes conventionnels, l’apparition de premiers mots suivis d’une période de régression (les gestes disparaissent et le premier lexique n’est plus prononcé). Leur réapparition peut être plus longue à venir, et quand elle reprend, c’est en général à un niveau inférieur. Enfin, chez d’autres bébés, la mise en place des moyens de communication est très retardée, avec des stagnations, le maintien d’« erreurs » (inversion du moi et du tu). Ici, nous devons cependant donner un statut particulier au langage et à la maitriseb d’une langue et il faut d’abord se mettre d’accord sur la définition du langage. Celui-ci ne recouvre pas une fonction unique.
Comme la vision, on peut le décomposer en plusieurs sous-systèmes : le lexique (le vocabulaire, qu’on peut également décomposer en unités élémentaires de sons, les phonèmes, le rythme et le timbre de la voix, la prosodie, etc.), la sémantique (la signification des mots), la syntaxe (la manière d’emboiter les mots), la pragmatique (converser en prenant en compte les intentions du partenaire). Pour mettre en place une véritable communication verbale, tous ces sous-systèmes devront se coordonner. Or, on peut penser que dans l’autisme tous ces sous-systèmes ne sont pas également touchés (par exemple, le système phonologique semble intact, ce qui ne semble pas être le cas de la prosodie). Enfin, le fait de parler reste assez mystérieux dans l’autisme : la moitié des enfants ne parlent pas à l’âge de 5 , certains d’entre eux se mettront à parler à 8 , voire 10 et on a même décrit des productions tardives vers 30 .
La principale caractéristique du langage humain, par rapport auxautres langages, concerne la syntaxe, qui est flexible et récursive. En effet, seul l’homme est capable d’énoncer et de comprendre la phrase suivante « La personne qui a tué le chat qui a mangé le rat s‘est mise à chanter ». On peut apprendre à certains chimpanzés à prononcer des phrases simples comme « Donne-moi un fruit », mais jamais des phrases dans lesquelles des propositions sont emboitées et récursives. « Papa, qui aime maman, a utilisé un pinceau ». Comment sait-on que c’est papa qui a utilisé le pinceau ?
Et pourquoi personne ne se trompe ? On peut donc apprendre des mots (un lexique simple) à des animaux, et même une séquence simple de mots, mais ils ne produiront jamais, à partir d’un simple stock lexical appris, une phrase grammaticalement correcte dans laquelle il y aurait une véritable intention communicative. On le comprend mieux : dire d’un enfant avec autisme qu’il présente un trouble de la communication mériterait une analyse très fine de chaque moyen (verbal et non verbal), et de chacun des différents sous-systèmes qui composent le langage. Il conviendrait également de bien dissocier ce que l’enfant comprend et ce qu’il produit.