De Aurélien D’Ignazio et Olivier Gorgy

Extrait du livre Concevoir des programmes sensoriels pour personnes autistes

Nous rappelons que les mécanismes de compréhension de l’hypersensibilité se basent sur un déficit de filtrage au niveau du tronc cérébral (porte d’entrée de la majorité des flux sensoriels) et de phénomènes d’hyperréactivité de certaines zones corticales. La perturbation du fonctionnement de structures sous-corticales telles que l’amygdale renforce les réponses émotionnelles aversives (anxiété, peur, angoisse panique).

Markram & al. (2007) traduisent ce traitement neuronal excessif par le « syndrome du monde intense » à l’origine de la perception globale augmentée produisant des sensations, images, odeurs, sons… pouvant être exacerbés.

Voici certains principes pouvant permettre de diminuer le sentiment d’agression envers la personne hypersensible et faciliter son adhésion à certaines de nos propositions :

L’anticipation avant une stimulation permet de mieux « préparer » le système nerveux à la sollicitation sensorielle. Bien qu’elle puisse être orale, nous favorisons l’anticipation visuelle (pictogramme, photo, vidéo…).

Source : Picto France

Le ralentissement de nos mouvements permet de maximiser les chances pour la personne concernée de prévoir nos actions, pouvant être vécues comme d’autant plus intrusives si elles se situent dans son espace proche. (Voir les travaux de Gepner en 2001, soulignant les difficultés des enfants autistes à percevoir le mouvement d’autrui et l’intérêt du ralentissement de nos productions pour en faciliter l’intégration).

L’aide à la discrimination du stimulus aversif permet d’identifier plus finement le facteur de désorganisation d’une situation. Il s’agit par exemple d’aider la personne à déterminer si sa réaction de retrait provient de l’appréhension à être touché par une personne, de l’odeur de cette dernière, des mouvements trop rapides de ses yeux, etc.

Ce principe (dépendant du niveau de compréhension de la personne) implique le recours au contrôle cognitif pour diminuer la perception d’agression globale de l’environnement et développer des stratégies d’évitement ciblées.

Le « pairing1 sensoriel » permet d’associer une stimulation agréable à une stimulation aversive pour rendre cette dernière plus tolérable au moyen de ce « détournement d’attention » (comme de couper les ongles de son enfant pendant qu’il regarde un dessin animé par exemple).

Le repérage de la stimulation permet d’inscrire une situation redoutée au sein d’une habitude, d’un rituel garantissant une forme de prévisibilité. Idéalement, un moment agréable suivra le moment « sensible » pour maintenir la motivation.

L’autocontrôle de la stimulation permet à la personne de garder le contrôle de la stimulation difficilement supportable. Il s’agit donc d’un procédé moins intrusif où l’enfant est incité à nous imiter (lors d’un brossage de dents par exemple) ou à déclencher lui-même une stimulation (l’activation de l’aspirateur par exemple).

L’exposition progressive permet de contrôler et d’augmenter progressivement (séance après séance) l’intensité, la fréquence (sonore par exemple) et la durée d’un stimulus afin d’en augmenter le seuil de tolérance (s’accompagnant souvent de verbalisation et de stratégies cognitives associées selon le niveau de compréhension de la personne).

Nous pouvons distinguer l’application directe (où le thérapeute conduit l’administration d’une stimulation à l’intention de la personne) de l’application indirecte (basée sur l’auto-application de la simulation par la personne elle-même).

Attention : En aucun cas, nous ne souhaitons laisser sous-entendre qu’une exposition à un stimulus aversif (même progressive) soit une solution absolue ou souhaitable lorsque la personne peut tout à fait s’en passer dans son quotidien. Ce type de technique doit être maîtrisée en adéquation à la réactivité du sujet et aux résultats observés.

La gestion du stress permet de mieux « accueillir » la sensation redoutée et amoindrir l’hypervigilance (par exemple en mobilisant des moyens de relaxation2, d’apaisement, de détente… adaptés au niveau de compréhension de la personne).

Bien sûr, nous incluons dans ces principes la sensibilisation de l’entourage (psychoéducation) ainsi que les qualités d’empathie, d’écoute et de validation du vécu de la personne, indispensables à cet accompagnement.

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1. Nous déclinons ce terme communément retrouvé dans la méthode ABA pour décrire ici l’association conjointe entre deux expositions sensorielles : un stimulus agréable et un autre plus difficilement supportable.

2. Les techniques ciblent globalement toutes l’abaissement du tonus musculaire et idéalement la prise de conscience des états de tensions selon le niveau de compréhension de la personne. Selon la formation du praticien et l’adhésion du sujet, nous pourrons proposer des techniques de type mobilisations articulaires, alternance entre contraction musculaire et détente…