Par Christine Deroin
Extrait du livre 100 idées pour aider un adolescent à se libérer d’une addiction
Pour comprendre comment une drogue agit sur le cerveau et comment elle induit une dépendance, il faut d’abord voir rapidement le fonctionnement normal du cerveau.
Les unités fonctionnelles de base du système nerveux central sont les neurones : ce sont des cellules spécialisées dans la transmission et le traitement des « informations » qui circulent dans le cerveau et à partir du cerveau vers les muscles et les différents organes sous forme de signaux bioélectriques (= l’influx nerveux). Leur nombre total dans le cerveau est estimé à environ 100 milliards et chaque neurone est relié à plusieurs autres.
À l’intérieur de chaque neurone, l’influx nerveux transportant les informations prend la forme d’une activité électrique (= potentiel d’action) mais, pour passer dans l’espace (= la synapse) qui sépare un neurone du suivant, des messagers chimiques (= des neuromédiateurs, ou neurotransmetteurs) prennent le relais de l’influx nerveux électrique en assurant la conversion du potentiel électrique en signal chimique.
Il existe plusieurs dizaines de neurotransmetteurs différents, impliqués dans de nombreuses fonctions : la dopamine, la sérotonine, la noradrénaline, l’endorphine, le GABA, les cannabinoïdes, les opioïdes, l’acétylcholine, etc. Outre leur fonction de transmetteurs de l’information d’un neurone à l’autre, les neuromédiateurs exercent également une action régulatrice sur le circuit de l’information entre neurones : certains l’activent (l’acétylcholine, le glutamate), d’autres ont un effet inhibiteur (GABA).
Ainsi, par exemple, la sérotonine contribue à réguler le sommeil, l’humeur, l’appétit et la douleur, tandis que la dopamine joue un central dans le contrôle des fonctions motrices.
De diverses manières, les drogues vont perturber la transmission entre les neurones des « informations » responsables de nos perceptions, sensations, émotions, humeurs… Cette désorganisation peut prendre plusieurs formes : grâce à la ressemblance de leur structure moléculaire avec celle d’un neuromédiateur, certaines substances psychoactives vont « prendre le contrôle » de la transmission de l’information au niveau des synapses entre neurones en imitant les neuromédiateurs naturels et en se substituant à eux dans les récepteurs : la morphine, par exemple, s’installe dans les récepteurs à endorphine ; la nicotine, dans les récepteurs à acétylcholine.
D’autres substances vont plus simplement augmenter la sécrétion ou la concentration d’un neuromédiateur naturel ; d’autres encore vont bloquer les récepteurs d’un neuromédiateur naturel ; par exemple, l’alcool bloque les récepteurs activés par le glutamate et la glycine (essentiels pour la mémoire) ; l’action de la cocaïne va s’exercer sur le transport de la dopamine : en bloquant le système de recapture de la dopamine dans la synapse, la cocaïne va entraîner une surconcentration de ce neurotransmetteur.
Mais, quelle que soit la modalité d’action de la drogue, la conséquence est la même : l’information qui circule entre les neurones est brouillée, altérée ; les perceptions changent, les sensations sont aiguisées ou atténuées, l’humeur est exaltée ou anesthésiée, les fonctions cognitives altérées. Toutes les zones du cerveau peuvent être affectées et avec elles les « fonctions » cognitives ou physiques qu’elles activent : lobe temporal (mémoire spatiale, analyse de situations) ; moelle épinière (douleur) ; hippocampe (mémoire) ; lobe occipital (vision) ; cervelet (coordination des mouvements, équilibre, attention, langage) ; aire motrice (mouvements, sensations)…
Enfin, et surtout, en perturbant durablement un autre circuit neuronal : le circuit de la récompense, les substances psychoactives vont également être à l’origine de l’apparition d’une dépendance.
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