de Christophe Charpiot, Cédric Gueyraud et Fahima Melizi
Extrait du livre 100 idées pour faire classe autrement
« Les enfants d’aujourd’hui ne lisent plus. » Nous entendons souvent cette antienne dans la bouche des anciens, non sans un brin d’amertume… Or, comme toute observation en matière de pédagogie (et ailleurs), le sens de la nuance est important. On ne peut asséner péremptoirement que nos élèves ne lisent plus. Il est vrai en revanche que, face à la multitude de tentations extérieures, des paradis artificiels procurés par les jeux vidéo, se plonger dans un livre n’est plus forcément un réflexe. Charge à l’école d’essayer de trouver des pistes pour (re)développer cette appétence chez nos jeunes lecteurs. Ça tombe bien, « Silence, on lit ! » est un dispositif destiné à promouvoir la lecture dans les établissements scolaires à l’initiative de l’association du même nom qui est dédiée à la promotion d’un plaisir et d’un bienfait quotidiens : lire dans le silence des livres ensemble tous les jours pendant 10 ou 15 minutes.
À force de volonté, ce dispositif est depuis 2016 fortement suggéré aux établissements scolaires par l’Éducation nationale qui leur demande de faire quotidiennement un « Quart d’heure de lecture ». C’est un dispositif qui nécessite une harmonisation au sein de l’établissement. Pour démarrer, cela peut se faire de manière hebdomadaire avant de devenir quotidien.
Il est important de faire de cette activité un acte ritualisé quotidien, une gymnastique mentale, une pause relaxante, un moment de silence où l’on s’extrait du monde. C’est par cette quotidienneté que les livres deviennent des compagnons que l’on a toujours avec soi ou que l’on retrouve tous les jours.
Ce dispositif est mis en place sur le temps scolaire. Il s’agit de faire une pause dans la journée. Dans de nombreux établissements qui pratiquent donc ce temps de lecture quotidien, ce moment de lecture a lieu tous les jours en début d’après-midi, soit après le déjeuner et avant la reprise des cours, ou bien juste après la récréation.
Pour être efficace, ce temps doit être compris entre 10 et 20 minutes. On peut très bien commencer l’expérience sur une durée de 10 minutes et au bout de quelques mois, porter ce temps à 15, voire 20 minutes quotidiennement.
La lecture doit bénéficier à tous et l’idée est donc de faire participer tout le monde à cette pratique, même et surtout ceux qui n’ont pas l’habitude de lire. Dans un établissement scolaire, le projet concernera donc élèves, professeurs, ATSEM, mais aussi membres de l’administration, le personnel d’entretien ou des cuisines. La littérature n’ayant pas de frontière, certaines équipes encouragent la pratique disruptive de la lecture en autorisant leurs élèves à aller lire dans une autre classe, le couloir, la cour, la cantine…
Il s’agit en tout cas de lire dans une optique à la fois intéressée (lire pour apprendre des choses), désintéressée (lecture plaisir) et continue (lecture se prolongeant sur plusieurs jours) en veillant au respect du cadre, lequel exclut la lecture des courriels, textos, tweets, pages web et autres qui envahissent déjà nos écrans… ordinateurs, smartphones, tablettes, et surtout nos esprits. La lecture quotidienne doit justement couper le lecteur de ces habitudes de pensées et d’informations sommaires, réductrices ou tronquées, de messages rapides et donc souvent simplistes. Il s’agit de réintroduire le temps et la complexité dans la pensée. Il s’agit donc de lire des livres.
Bienfaits du dispositif : la lecture n’est pas innocente et ne laisse pas la lectrice ou le lecteur indemne. Elle ouvre à celle ou celui qui la pratique régulièrement la voie vers la sérénité, vers une meilleure compréhension du monde dans lequel nous vivons, elle donne les clés de la connaissance de soi et des autres, elle enrichit nos moyens d’expression et permet donc de gagner de la confiance en soi.
Bienfaits du silence : le monde moderne est extrêmement bruyant. Dans les rues, dans les centres commerciaux, sur les routes, dans les maisons, dans les usines et les bureaux, dans les parcs et sur les plages… il est devenu impossible d’échapper à la pollution sonore humaine… Le silence n’est pourtant pas que l’absence de bruit. Le silence, c’est à la fois la respiration du monde et notre attitude face à lui. Faire le silence, c’est se mettre au diapason de la nature. Faire le silence individuellement, c’est se mettre à l’écoute des autres, de l’univers… et de soi-même.
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