Par le Dr Emmanuel Thill

Extrait du livre 100 idées pour lutter contre le repli social des adolescents

L’angoisse se traduit par un ensemble d’idées, d’affects et de comportements témoignant d’une sensation profonde de malaise. Le jeune éprouve une peur, parfois diffuse, parfois ciblée sur une situation particulière (peur de prendre le bus pour aller à l’école, peur de se faire insulter par d’autres jeunes par exemple). Bien souvent, cette peur est disproportionnée, irrationnelle et amplifiée par le travail d’une imagination pessimiste. Le jeune imagine par exemple des événements négatifs à l’école et sous-estime sa capacité à pouvoir y faire face. Parfois l’adolescent est traversé par des angoisses anticipatrices : il est presque sûr que cela va mal se passer quand il rencontrera tel ou tel camarade de classe et se montre très stressé lorsque cette rencontre arrive. Son stress intense risque en fait de conduire cette rencontre à l’échec. Ses anticipations anxieuses peuvent alors apparaître comme des prophéties qui vont s’autoréaliser !

L’angoisse impacte souvent le sommeil et va entraîner un sommeil de mauvaise qualité, débuté par un endormissement difficile imprégné de ruminations négatives. Parfois le jeune tentera d’éviter ces ruminations en allumant son écran pour faire diversion, jusqu’à ce que le sommeil l’assomme (parfois très tard dans la nuit). Là aussi un cercle vicieux peut s’installer, car quelqu’un qui a mal dormi est beaucoup moins capable de contenir ses émotions durant la journée qui suit !

Il va être important d’aider le jeune à repérer si l’angoisse se calme spontanément à certains moments de la journée ou dans certaines circonstances. Cela fournira des informations précieuses qui nourriront des pistes pour l’aider à gérer son angoisse. Par exemple, pour un jeune en phobie scolaire, une carte représentant le trajet depuis la maison jusqu’à sa classe peut être dessinée avec lui : en le questionnant, on veillera à y noter les endroits où il se sent mieux, en essayant avec lui d’en comprendre les raisons.

Aider le jeune à décoder ces différents mécanismes qui le traversent est déjà un premier pas pour lui permettre de reprendre un peu de contrôle sur sa vie intérieure et relationnelle : c’est ce que l’on pourrait nommer « l’apprivoisement de l’angoisse ».

En psychothérapie avec le jeune, on travaillera particulièrement ces scénarios de la vie quotidienne, pour aider le jeune à repérer les sources profondes de ses angoisses et trouver d’autres manières de réagir.

Pour diminuer l’angoisse, le jeune va souvent privilégier des conduites d’évitement, solutions de facilité à court terme, mais qui risquent d’appauvrir ses expériences de vie : éviter d’aller à l’école, éviter de parler en public, éviter les fêtes de famille élargie, se plaindre de petites maladies à répétition pour ne pas aller à l’école. Le repli sur soi peut être également considéré comme une conduite d’évitement à l’extrême ! Petit à petit, il faudra redonner confiance au jeune dans ses capacités à faire face, afin de lui permettre « d’éviter l’évitement ».

L’angoisse peut aussi se cacher derrière ce que l’on appelle des somatisations anxieuses : douleurs au ventre ou à la tête, problèmes intestinaux, nausées et vomissements. Ces masques sont parfois source de malentendus, car ces plaintes du corps sont souvent considérées dans un premier temps comme l’expression d’une maladie organique, générant des consultations et des examens médicaux.

Enfin, la tension intérieure liée au stress est parfois si grande que le jeune la décharge par de l’irritabilité et de l’agressivité. Sentiment que nous pouvons également vivre en tant qu’adultes lorsque nous nous mettons en colère après avoir eu très peur ! À la longue, ce stress épuise les ressources internes du jeune et risque de l’entraîner petit à petit vers des symptômes dépressifs.

Pour en savoir plus, consulter le livre 100 idées pour lutter contre le repli social des adolescents.