Par Michèle Mazeau
Extrait du livre Troubles visuo-spatiaux, leur impact sur les apprentissages
Trois rendez-vous sont absolument indispensables avec le médecin traitant, le psychologue ou le neuropsychologue, l’ergothérapeute ou le psychomotricien.
Entre les premières inquiétudes et le diagnostic, il se passe souvent plusieurs mois, pratiquement une année scolaire, en fonction des délais nécessaires pour obtenir les différents rendez-vous. Cela n’est pas un problème si les signes d’appel sont repérés en temps utiles (4-6 ans) : ces mois seront mis à profit pour intensifier l’entraînement et observer l’enfant dans différentes activités et différents contextes.
Attention !
Les évaluations psychologiques, neuropsychologiques, psychomo- trices et ergothérapiques effectuées en libéral ne sont pas prises en charge par l’assurance maladie, sauf si ces bilans sont réalisés au sein d’une plateforme de coordination et d’orientation (PCO).
Si l’enfant a moins de 12 ans révolus, ces bilans peuvent être pratiqués dans le cadre du « forfait précoce » 1 qui garantit zéro reste à charge pour les familles. Pour ce faire, le médecin traitant doit adresser l’enfant à la plateforme de coordination et d’orientation 2 la plus proche de son domicile. C’est une équipe pluridisciplinaire (médecin, psychologue, rééducateurs, etc.) qui conduira l’ensemble du bilan diagnostique et pourra même éventuellement instituer rapidement une prise en charge si nécessaire (durant 1 année maximum, dans ce cadre) ;
Si l’enfant a 12 ans révolus ou plus, on peut s’adresser à la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) qui peut, dans certains cas, aider au financement des examens indispensables pour établir le diagnostic.
À savoir : si l’enfant est scolarisé dans une école primaire publique, le bilan psychologique peut être effectué sans frais par le psychologue scolaire.
• Le médecin traitant ou le pédiatre
L’histoire de la grossesse, de l’accouchement 3 et du tout premier développement 4 donnera de précieuses indications au médecin. Ce dernier pratiquera un examen général et examinera la vision et plus particulièrement la motricité 5. Il prescrira éventuellement des examens complémentaires (ophtalmologique 6, orthoptique…).
S’il le juge utile, et si l’enfant a moins de 12 ans, il l’adressera à la plateforme de coordination et d’orientation qui organisera l’ensemble des bilans et examens nécessaires en vue d’un diagnostic.
• Le psychologue ou le neuropsychologue
Il s’enquiert de l’histoire de l’enfant (ou « anamnèse ») qui peut apporter un éclairage sur ses difficultés, et il pratique une évaluation utilisant les « échelles de Wechsler » (connues sous les sigles de WPPSI pour les petits jusqu’à 6 ans 1⁄2 et de WISC pour les plus grands 7). C’est une série de 10-12 épreuves étalonnées qui permettent de juger des performances de l’enfant par rapport à celles habituellement constatées dans la population standard des enfants du même âge, et ce dans différents domaines (raisonnement, langage, mémoires, calcul, connaissances, compétences sociales et relationnelles).
Ce bilan donne trois renseignements fondamentaux :
– la dynamique intellectuelle de l’enfant, son niveau de raisonnement, ses capacités de logique, catégorisation et déduction (ou « niveau de développement »);
– ses points faibles (qui seront examinés dans un bilan plus spécialisé) ; – ses points forts qui serviront d’appuis pour ses apprentissages.
• L’ergothérapeute ou le psychomotricien : le bilan visuo-spatial
Là encore, ce sont des tests étalonnés qui doivent être proposés. Pour chaque exercice ou épreuve, on situe l’enfant par rapport à ce que fait la grande majorité des enfants standards du même âge, dans les mêmes conditions. On évalue en tout ou en partie 8 les capacités :
– de coordination entre l’œil et la main, de précision visuo-motrice. Ex. : tracer un trait dans un chemin de plus en plus étroit et tortueux, sans déborder.
– de repérage visuel. Ex. : repérer et barrer tous les chats parmi beaucoup de chiens et de lapins. On peut ainsi apprécier comment l’enfant s’y prend pour explorer l’espace d’une ligne ou d’une page…
– de localisation d’objets. Ex. : l’enfant dispose du plan d’une ville sur papier et il doit désigner l’endroit où il arrive en réalisant le trajet prescrit.
– d’appréciation des orientations. Ex. : l’enfant doit apparier différentes lignes, ou flèches, selon leur obliquité.
– de construction orientée. Ex. : l’enfant doit reproduire avec des bâtonnets ou des cubes des modèles comportant différentes configurations plus ou moins complexes, comportant ou non des obliques, etc.
– de reproduction de dessins. Ex. : l’enfant doit recopier des dessins qui nécessitent de bien apprécier la position relative des différents éléments, l’orientation d’obliques. Autre exemple : reproduction de dessins dans un repère de points. Cela permet d’évaluer de quelle façon l’enfant peut utiliser ou non les repères fournis.
– de reproduction de gestes. Ex. : l’examinateur réalise une configuration particulière de la main ou des gestes avec les bras et l’enfant doit l’imiter.
– de jugement de gestes corrects. Ex. : on montre à l’enfant 4 photos représentant une façon de prendre ou d’utiliser un objet courant (un verre, une clé, un téléphone, etc.). Une photo montre une position défectueuse de la main, une autre une orientation inadéquate de l’objet et une autre une utilisation incongrue. Parmi les 4 photos, il doit désigner celle qui est correcte.
– de mémoire spatiale. Ex. : des points ou des dessins sont disposés dans une grille et l’enfant doit ensuite reproduire de mémoire cette disposition.
– d’écriture. Ex. : copie d’un texte 9. On apprécie la qualité du tracé, sa lisibilité et la vitesse d’écriture (nombre de lettres copiées en 1 ou 5 min).
Il est intéressant de compléter cet examen par une évaluation du vocabulaire spatial et de l’habileté motrice 10 (ex. : jeux d’équilibre, lancers et réceptions de balles).
N.B. Un bilan orthoptique peut être prescrit (mais il n’est pas obligatoire), pour préciser la motricité des yeux : il doit être conduit par un orthoptiste ayant reçu une formation spécifique dans le domaine de la dyspraxie et des troubles neuro-visuels.
La confrontation et la synthèse de l’ensemble des nvestigations par le médecin permettent :
– d’aboutir à un diagnostic bien étayé ;
– d’éviter des erreurs diagnostiques ou des confusions avec d’autres troubles (déficit moteur ou visuel, TDA/H17, déficience intellectuelle); – de détecter précocement d’éventuels troubles associés 11.
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1. Décret 2018-1297 du 28 décembre 2018 relatif au parcours de bilan et intervention précoce pour les troubles du neurodéveloppement, décret entré en vigueur le 1er janvier 2019.
2. Circulaire N° SG/2018/256 du 22 novembre 2018 relative à la mise en place des plate- formes d’orientation et de coordination dans le cadre du parcours de bilan et d’interven- tion précoce pour les enfants avec des troubles du neurodéveloppement.
3. Les enfants nés prématurément ont plus de risques de développer ces troubles.
4. La plupart des enfants présentant une dyspraxie visuo-spatiale ont un premier déve- loppement normal (âge de la marche, des premiers mots, etc.).
5. Il s’agit d’éliminer les maladies telles que les myopathies ou les paralysies partielles.
6. L’examen ophtalmologique est le plus souvent normal (ou normalisé grâce à des verres correcteurs), car il ne s’agit pas de l’acuité visuelle (qui permet d’identifier ce que l’on voit, via la voie du « quoi ? »), mais de la façon dont on bouge les yeux pour explorer, se déplacer visuellement dans l’espace, pour renseigner la voie du « où? ».
7. Il existe une version adulte, à partir de 16 ans : la WAIS.
8. C’est souvent le test DTVP-3 qui est proposé.
9. C’est souvent le BHK qui est proposé, complété de l’épreuve dite « je respire le doux parfum des fleurs ».
10. Souvent, les professionnels proposent les batteries de tests M-ABC ou NP-Mot. 17. Trouble Déficitaire de l’Attention, avec ou sans Hyperactivité.
11. Il arrive que l’enfant, outre les troubles visuo-spatiaux, présente en plus un TDA/H ou un autre trouble dys-.