Par Béatrice Risso
Extrait de l’ouvrage 100 idées pour développer la mémoire des enfants
Quand on parle de mémorisation, il y a quatre idées importantes à garder à l’esprit. La première est qu’il faut parler de mémoires au pluriel plutôt que de mémoire au singulier. La seconde concerne l’importance de la répétition, qui permet de lutter contre l’oubli. La troisième est qu’il faut construire des souvenirs sur ce qu’on sait déjà. Enfin, la dernière est de dormir suffisamment.
La mémoire n’est pas unique ; notre cerveau possède différents types de mémoires qui sont spécialisées. Lorsque la mémorisation et le rappel de souvenir sont opérationnels, il est difficile de distinguer ces différents types de mémoires mais certaines affections ou lésions peuvent les altérer, ce qui entraîne alors des difficultés mnésiques spécifiques qui seront abordées dans le chapitre VI de ce livre.
On le sait depuis des siècles : il est important de répéter les données que nous voulons mémoriser car nos systèmes de mémoire sont conçus pour « oublier » ce qui n’est pas important. L’oubli est ce qui nous permet de nous débarrasser de l’énorme quantité d’informations que nous recevons chaque jour, afin de ne pas encombrer inutilement notre mémoire. Il faut donc indiquer à notre cerveau que l’information que nous voulons mémoriser est importante en lui donnant une sorte de « priorité » et cette priorité est indiquée par la répétition de de l’information à mémoriser, y compris en faisant appel à plusieurs modalités sensorielles. Des chercheurs ont même mis en évidence le fait que nous retenons
10 % de ce que nous lisons, 20 % de ce que nous entendons, 30 % de ce que nous voyons, 50 % de ce que nous voyons et entendons, 80 % de ce que nous disons et 90 % de ce que nous disons en faisant quelque chose à propos de quoi nous réfléchissons et dans quoi nous nous impliquons.
Les nouvelles connaissances doivent être construites sur ce qu’on a déjà mémorisé car, la mémoire est associative : on retient plus facilement une information si on peut la relier à des connaissances déjà acquises et mémorisées qui constituent une sorte d’ossature sur laquelle peuvent se greffer les nouvelles acquisitions. C’est la raison pour laquelle chercher consciemment ce qui peut relier une information à une autre n’est pas une perte de temps mais un bon moyen de faciliter sa mémorisation et peut consister un exercice intéressant pour entraîner les enfants.
J’avais, et j’ai toujours un peu je crois, des difficultés à me rappeler des visages ou de la physionomie des personnes que je n’ai rencontrées que quelques fois. Ceci pouvait parfois donner lieu, étant donné ma profession, à des situations cocasses. En effet, il arrivait que des personnes que je « venais » de rencontrer dans une réunion ou une soirée me confient brutalement en aparté des choses très personnelles, ce qui me paraissait toujours un peu bizarre et me faisait immédiatement m’interroger sur mon interlocuteur (qui oserait parler de choses intimes à une parfaite inconnue ?).
Généralement, au bout de quelques minutes de conversation, je parvenais à récupérer quelques indices me permettant de retrouver dans ma mémoire qui était cette personne et le contexte dans lequel je l’avais rencontrée mais j’ai dû à plusieurs reprises finir par demander à mon interlocuteur son nom car malgré de nombreux efforts, je ne parvenais pas à mettre de nom sur son visage….
Afin de pallier ces difficultés, j’ai mis en place un système d’association personnel pour mettre en lien la nouvelle personne et le maximum de ses caractéristiques physiques (vêtements, voix, coiffure, couleur des yeux) avec des membres de ma famille ou des amis et éventuellement avec le contexte de notre rencontre. Ainsi, le professeur de maths de ma fille rencontré pour la première fois la semaine dernière est-il relié par les vêtements qu’il portait à ce moment-là à un de mes amis, roi de la chemise à carreaux et à la plus jeune de mes tantes dont il possède les yeux bleu acier ; de plus, lors de notre entretien, je me suis concentrée sur le tableau noir situé derrière lui et j’ai associé son visage avec des formules de trigonométrie me rappelant de très mauvais souvenirs, ce qui me permettait de renforcer l’encodage en mémoire car j’étais également là au sujet des difficultés de ma fille en mathématiques! Si je le croise au coin d’une rue, il ne me faudra que quelques instants avec ces trois indices que j’ai volontairement mis en exergue pour le reconnaître et situer le contexte de notre rencontre.
Enfin, pour bien mémoriser, il est important de bien dormir ! C’est un lieu commun mais il est utile de le rappeler même si on ne sait pas encore très bien quel est le type de sommeil qui participe le plus à la mémorisation. En effet, la nuit, nous effectuons plusieurs cycles de sommeil qui s’enchaînent. Chacun de ces cycles comporte, grosso modo, deux types de sommeil : un sommeil dit « lent » qui représente 75 à 80 % de la durée de sommeil, et un sommeil « paradoxal » qui représente 20 à 25 % de la durée de sommeil. La privation de sommeil paradoxal altère l’acquisition de nouvelles capacités dans le domaine visuel ou moteur. Le sommeil lent semble impliqué dans la mémorisation des faits requérant une orientation spatiale. Les deux types de sommeil contribueraient donc à la mémorisation, chacun à leur manière. Si votre enfant manque de sommeil, permettez-lui, quel que soit son âge, de pouvoir faire une sieste lorsqu’il en ressent le besoin.
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