Par Corinne Gallet

Extrait du livre 100 idées pour que TOUS les enfants sachent lire

Il fut une époque où l’on apprenait d’abord à lire, puis à écrire. Or lire et écrire ne sont pas des compétences indépendantes car toutes deux participent à la mémorisation des mots dans le lexique orthographique. Lors des activités d’écriture, l’élève devient actif puisqu’il est en situation de production. Les activités d’écriture vont obliger les élèves à s’interroger sur le fonctionnement de l’écrit.

Très tôt, les enfants apprennent entre autre par imitation. Pour le langage écrit, ce qui est plus facile à imiter est l’acte d’écrire.
Alors que l’action de lire ne produit guère de gestes visibles, dans l’acte d’écrire il y a quelque chose à voir : une main qui tient un stylo, un stylo qui se déplace sur la feuille de papier. Très tôt, les enfants essaient d’écrire et l’enseignant doit surtout les inciter à continuer, même si leurs productions sont loin de répondre aux normes graphiques et orthographiques.

À l’école maternelle, le premier intérêt de ces productions pour l’enseignant est de lui permettre d’évaluer la représentation qu’a l’élève de l’écrit. Est-ce que le sens de l’écriture est respecté ? Est-ce que lettres et chiffres sont indifféremment utilisés conjointement ? Le second intérêt est de casser une représentation du fonctionnement de l’écrit. Les enfants de maternelle développent souvent, pour ne pas dire toujours, une lecture logographique*. Passer par l’écrit va les obliger à s’attarder sur les lettres ou les groupes de lettres.

En petit groupe, les enfants présentent leur écrit, l’enseignant interroge sur le « comment » : « Comment as-tu fait pour écrire tel mot ? » L’enfant va devoir se décentrer et commencer à réfléchir à son activité. Les autres enfants écoutent. Ce dialogue sur l’écrit permet de ne plus considérer le mot pour son sens (signifié) mais pour son orthographe, son codage (signifiant). « J’ai mis beaucoup de lettres car un éléphant c’est gros ». « Là, j’ai changé de crayon, parce que le papillon est rouge. » L’enseignant doit tenir compte de ces justifications et surtout doit proposer des écrits qui viennent contredire ces représentations : « Regardez, Quel est le titre de cet album ? Le Petit Chaperon rouge. A-t-on changé de couleur pour écrire rouge ? ». Ce traitement de l’écrit par justification doit être présent tout au long de la scolarité.

Dès la Grande section, voire avant pour certains élèves, les activités d’écriture inventée ou d’orthographe approchée vont permettre de faire comprendre que la relation entre l’oral et l’écrit n’est pas arbitraire mais qu’elle répond à un code. En focalisant le regard sur le code, les activités d’écriture permettent l’émergence d’une orthographe implicite. Ainsi, des chercheurs ont mis en avant ce début de construction dès la Grande section. On demande à des élèves d’entourer un mot dans cette suite : « qppqbm – marin – iinllm ».

En grande majorité, ils entourent « marin », alors même qu’ils ne savent pas lire ce mot : ils ont exclu implicitement ce que l’on ne rencontre jamais dans la lecture du français. Ils commencent à construire une orthographe.


*logographique : se dit du système de notation graphique du langage. Par extension, se dit de la manière dont l’enfant devine les mots grâce à des indices visuels dans les signes écrits : point sur le i, jambage des lettres, …